Vitesse

Mes mots de voyages – Vitesse et lenteur

Depuis que j’ai quitté les scouts, à 16 ans, j’ai la bougeotte. Lorsque je suis en route, il y a quelques mots qui me trottent dans la tête. En voici quelques-uns avec le sens que je leur donne. Aujourd’hui : Vitesse et lenteur.

En un coup d’œil

En avril 2018, j’ai pris la route pour relier Lourdes à Saint-Jacques de Compostelle. Ce n’était pas la première fois que je voyageais à pied et au long court, mais parcourir une longue distance pendant une aussi longue période de marche était un véritable baptême. J’ai mis 28 jours pour relier Lourdes à Saint-Jacques. J’en ai retiré plusieurs enseignements. Le plus important, c’est que la vitesse de l’homme est définitivement plus proche des 5 km/h que des 120. Honnêtement, je croyais que le passage du stress de la vie trépidante que nous vivons au quotidien au rythme séculier de nos ancêtres “chasseurs-cueilleurs” serait difficile… Eh bien pas du tout ! Trois jours ont suffi pour que je m’adapte au tempo de la marche.

Qu’il pleuve, qu’il vente, sous les nuages ou sous un soleil de plomb, quel plaisir subtil d’apercevoir toutes ces petites choses qui bordent les routes, puis les chemins et enfin les sentiers d’alpages. Petit à petit, l’œil s’habitue à revoir des choses banales.

Lentement, on en voit plus

Cela commence par ces taches de couleurs un peu floues qui poussent à nos pieds, ce sont autant de variétés de fleurs. Puis il y a les empreintes reconnaissables de quelques moutons. Elles ont été laissées dans la boue par une dizaine de bêtes que je devais croiser plus tard dans une prairie. Entendre et surtout voir les oiseaux qui s’effraient lorsque, pour franchir le pont qui enjambe un cours d’eau, je m’approche de la rivière au bord de laquelle ils nichent…

Les sens s'aiguise, on s'appaiseRapidement, les sens s’aiguisent, ils se conjuguent, ils s’apaisent. Mon pas se fait plus léger. Une loutre passe devant moi, indifférente à ma présence. J’arrive à me fondre dans le paysage. Je n’ai plus le sentiment d’être le prédateur…

Quand revient l’instinct

Et puis on s’habitue. Le regard qui accroche de petits détails s’affûte au fil des jours. Les repères se suivent en une succession de petites images pas si banales que ça. La recherche permanente des signes qui balisent le chemin de Compostelle devient naturelle. Une certaine lenteur, presque une langueur, conduit le pas du marcheur qui avance en écoutant battre son cœur à l’allure de soixante pas à la minute. Et puis on arrive enfin à destination. Sous la pluie, et on s’en fout ! Là où tout s’arrête et tout s’emballe.

Retour en busQuel choc au moment de reprendre la route, ou plutôt l’autoroute, pour rentrer chez moi ! J’avais réservé une place sur un bus de ligne de la compagnie Flixbus. Le car est parti de Saint-Jacques-de-Compostelle sur le coup de midi. J’ai juste eu le temps d’un dernier geste à Luella. Elle a été, à la fois, mon guide, ma prof d’anglais (elle est Australienne) et ma camarade de route. Et voilà que le temps s’était emballé à nouveau. On s’est arrêtés deux fois, pour un arrêt “toilettes” et pour le repas du soir. Puis j’ai dû m’assoupir une ou deux heures.

Vers 20 h 30, alors que j’observais le paysage, j’ai pu lire, sur un panneau de signalisation, que nous approchions déjà de la ville d’Irún.

Irún, la ville où avait débuté mon parcours en Espagne après 6 jours passés dans les Pyrénées françaises. À bord de ce bus, on venait de parcourir 850 km. La distance que je venais d’effacer en 21 jours de marche. Quel choc !

Retour difficile

Je le confesse, le retour à la vie rapide a été très difficile. Et je crois, pour avoir entendu de nombreux témoignages de pèlerins, que c’est le cas pour la plupart des Jacquets (les personnes qui sont arrivées au moins une fois à Saint-Jacques-de-Compostelle). Passer de la vitesse à la lenteur est bien plus facile que de faire l’exercie inverse.

Des souvenirs s’éveillent en moi lorsque, parfois, je me balade dans la campagne ou que je vais faire des courses en ville à pied et que je croise quelques mauvaises herbes colorées ou un pigeon qui mange des miettes de pain en m’ignorant cordialement.

Marcher au bord de la mer, éloge de la non vitesse.Depuis, je suis reparti. En mars 2019 j’ai passé trois jours sur les sentiers forestiers de l’Eifel allemand entre vitesse et lenteur. Puis je suis parti dix jours sur la Rota Vicentina dans le sud du Portugal en septembre. J’ai de nouveau ressenti cet énorme fossé entre la quiétude de la marche et la vitesse effrénée de notre vie véhiculée. Et je commence à ne plus aimer ce rythme là.

Alain
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2 Replies to “Mes mots de voyages – Vitesse et lenteur”

    1. Bonne question Yves. Je n’avais pas envie de parler de lenteur ni de douceur, ce qui est, à mes yeux soit péjoratif, soit mièvre. Il n’y a pas de douceur à marcher sauf si on se balade quelques minutes voire quelques heures dans une démarche récréative. Marcher pour aller quelque part est un déplacement et le déplacement implique une vitesse. Je voulais décrire ce que j’ai vraiment ressenti. Opposer ce qui est sans doute notre vitesse naturelle, 5 ou 6 kilomètres heures, à la vitesse trépidante à laquelle les technologies nous ont habitués. Opposer ce que nous devrions voir à ce que nous ne faisons que deviner sans plus prendre aucune attention aux détails, parce qu’on va, justement, trop vite.

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