On me demande souvent pourquoi j’ai la bougeotte. Je crois que c’est le Manuel du Routard qui m’a jeté sur les routes. Il m’a incité à voir le monde de mes propres yeux. Avant ça, j’avais lu Jules Verne, les aventures d’Alain de Prelle et les témoignages des grands explorateurs.
En un coup d’œil |
Je crois que c’est le Manuel du Routard qui m’a poussé à faire le premier pas vers le voyage. Avant de lire ce qui, à l’époque, représentait la bible du Back Packer, j’avais dévoré les livres de Jules Verne. J’avais suivi les périples d’Alain de Prelle, un journaliste et aventurier belge, oublié aujourd’hui. Et je m’étais nourri des récits des grands explorateurs comme Stanley, Charcot, Paul-Émile Victor ou encore Alain Bombard. Tous me faisaient rêver de voyages impossibles.
En route pour la Finlande
Mais, alors que je n’avais que 15 ou 16 ans, je suis tombé sur “Le manuel du Routard”. Une sorte de préambule aux guides de voyages édités par Hachette. Au début de l’ouvrage qui allait devenir ma bible pendant de longues années, il est écrit que tout routard qui se respecte doit “avoir fait Paris-Istanbul en stop au moins une fois dans sa vie“. J’ai pris une carte de l’Europe, je me suis acheté un sac à dos, un réchaud et un billet de train. Ainsi équipé, je suis parti de chez moi.
Pour voir le monde de mes propres yeux, j’avais choisi d’aller rendre, en été, une petite visite au père Noël à Rovaniemi. Un mois en Finlande, tout un programme !
Gagner des sous pour partir
Après ce premier voyage, la bougeotte ne m’a plus jamais quittée. J’ai trouvé un job d’étudiant pour mettre un peu d’argent de côté. Au fur et à mesure que l’argent rentrait, j’en consacrais une partie à l’achat du matériel nécessaire. L’autre allait à l’élaboration d’un petit bas de laine pour “vivre en route”. J’ai aussi beaucoup lu. Le pari d’Alain de Prelle de “faire le tour du monde avec mille francs en poche” m’a fait rêver des semaines durant. Je n’y tenais plus. À 19 ans, j’ai mis tout ce que j’avais sur mon dos et je suis allé à Paris. Le lieu de départ de mon fameux Paris-Istanbul !
Mon Paris Istanbul
Je suis parti de la maison avec pour seuls bagages mon sac à dos, quelques vivres et des fringues de rechange. J’ai entamé l’auto-stop à la station essence qui se trouve sur l’autoroute, pas loin de la maison de mes parents, pour rejoindre Paris et les Halles de Rungis mon vrai départ pour agir exactement dans les conditions prescrites par le manuel.
Un premier routier m’a “descendu” à l’entrée des Alpes, il retournait à Cavaillons à vide après avoir amené des melons dans la capitale. Puis j’ai traversé la frontière italienne avec un Autrichien qui écoutait une musique bizarre. Il m’avait laissé à Courmayeur où il y avait une station de quarantaine sanitaire pour le bétail. De là, j’ai vu Venise de loin, puis la Yougoslavie (elle s’appelait encore comme ça) où des conflits recommençaient à gronder. On nous a même tiré dessus, chose que je n’ai jamais avouée à mon père. Près de Zagreb, j’ai aidé un camionneur turc à charger des champignons secs à destination de la Grèce. Je me souviens d’un ravitaillement en mazout assez sympa à Thessalonique. Pendant que le mécanicien faisait le plein, on avait droit à de gros morceaux de pastèque bien juteuse.
Passage de frontière difficile
Puis ça a été la traversée à pied de la frontière turque. Impossible de trouver un chauffeur qui ait voulu prendre le risque de m’avoir comme passager. Une demi heure de palabres et d’explications. Le douanier estime que je suis trop jeune pour voyager seul. Heureusement, une fois les formalités expédiées, je retrouve un des routiers avec qui j’avais mangé dans un restoroute près de Belgrade au fameux “Parking Carré”. C’est lui qui m’a emmené jusqu’à Istanbul. Mais je n’en avais pas fini avec la Turquie. J’ai traversé le fameux pont de l’Europe et j’ai fait la connaissance d’un vendeur de Street Food dans le port d’Izmit. Des années plus tard, il fera partie des victimes du tremblement de terre qui a ravagé la région en 1999. Je le vois encore, avec son super sourire, à côté d’un vieux “taksi”, une magnifique Dodge rouge des années 50. Plus tard, toujours pendant ce voyage “initiatique“, un autre chauffeur m’a emmené à la frontière de l’Irak et m’a ramené à Istanbul juste parce qu’il avait peur de s’endormir au volant.
Une expérience, pas très bien préparée, au cours de laquelle j’ai dû m’adapter aux circonstances et où le hasard a m’a souvent sauvé les miches. Mais, sans doute celui qui est le plus rempli de souvenirs.
À ma façon
Au terme de ces premiers voyages, j’avais parcouru des milliers de kilomètres à pied, en stop, en bus, en train, en avion… et même en voilier.
Aujourd’hui, l’édition du “Manuel du Routard” a beaucoup vieilli. Désormais, je me fonde essentiellement sur mon expérience personnelle pour élaborer mes nouveaux plongeons urbains ou mes bains de nature. Je dois à la vérité d’avouer que je me suis amusé (toujours). Je me suis trompé (souvent) et énervé (parfois). Mes seules doléances sont de n’avoir pas pu tracer la route plus souvent.
S’amuser, partager, avancer…
Je me suis toujours amusé, car j’aime rencontrer les gens. J’aime partager le quotidien de ceux qui empruntent un mode de vie différent du mien. Ils accomplissent des gestes plus économes ou ils possèdent un bon sens plus affûté. Leurs moyens restent, en général, bien plus rudimentaires que ceux dont nous disposons. D’autres manières d’agir qui conduisent à des résultats équivalents. On confronte nos points de vue, et au final, c’est moi qui vois les choses autrement.
Et demain…?
En 2016, j’ai changé d’emploi. J’ai remisé mon attirail de journaliste avec la ferme intention de continuer à écrire, mais sous une autre forme. Au cours de l’apprentissage de mon nouveau job, j’ai perdu l’habitude de passer du temps devant mon clavier pour rédiger. Cela commence furieusement à me manquer. Il y a comme une sorte de manque. Je voulais voir le monde de mes propres yeux et je le souhaite encore. Voilà pourquoi j’ai décidé de ressusciter ma plume pour partager ce qui, selon moi, reste le meilleur et le plus beau de mes voyages.
- Ces indispensables ne quittent pas mon sac à dos - 2024-07-29
- L’aventure au coin de la rue - 2024-07-20
- Des Cornflakes dans le Porridge - 2024-07-06
Top Alain comme histoire…je me souviens quand tu me racontais qu’il fallait aller planter de pommes de terre en Pologne…et bien d’autres histoires raconté le soir dans une chambrette au VL …Biz 😉